La lente féminisation des écoles d’ingénieurs
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Le Monde
Les écoles d’ingénieurs multiplient les actions de sensibilisation pour inciter les jeunes filles à s’orienter vers des cursus scientifiques. Entre autocensure et sexisme ordinaire, témoignages.
Une fois n’est pas coutume, les jeunes femmes ont envahi les bancs de l’Ecole polytechnique.
En cette matinée de décembre, 165 lycéennes venues de Normandie assistent à une présentation de « l’X », le surnom de l’Ecole. Face à elles, Sarah Kassimi, polytechnicienne de 20 ans, leur décrit avec enthousiasme son quotidien, du stage militaire à la vie sur le campus. L’objectif ? Déclencher des vocations parmi ces élèves en classe de terminale scientifique et bousculer leurs préjugés sur les métiers des sciences et de l’industrie.
Depuis quelques années, les écoles d’ingénieurs [...] multiplient les actions sur le terrain pour inciter les futures étudiantes à rejoindre leurs rangs.
Car si Polytechnique accueille des femmes depuis 1972, elles ne sont que 15 % à avoir été admises à la rentrée 2016.
Les lycéennes ont beau représenter 41 % des effectifs en terminale scientifique (S) et afficher un taux de réussite plus élevé au baccalauréat, leur champ des possibles en matière d’orientation dans le supérieur ne s’est pas ouvert en conséquence.
En un siècle, les femmes ont majoritairement conquis les sciences de la nature et de la vie et 66 % des futurs médecins sont des femmes. Mais, lorsque l’on se tourne vers les sciences dites « dures », le bât blesse.
Mathématiques, aéronautique, mécanique, génie industriel manquent cruellement d’une relève féminine, et ce malgré une forte demande des entreprises.
« Les filles sont en effet sans cesse renvoyées à des stéréotypes, sur le soin aux autres, à la vie familiale, à la santé, constate Sylvaine Turck-Chièze, présidente de l’association Femmes et sciences. De plus, elles sont mal informées sur les métiers scientifiques. Alors, elles s’orientent vers ce qu’elles connaissent, et c’est un processus qui s’enclenche très tôt, bien avant la prépa ou les concours. »
« Au lycée, je me souviens d’un prof qui répétait que les filles avaient beaucoup de mal à distinguer les profondeurs dans l’espace », rapporte Alice Bachy. « A l’école, on entend des remarques du type : “Tu aurais mieux fait de faire de la bio, toi !” ou “C’est toi qui fais la présentation du projet? Tu mets un décolleté et hop ça passe” », décrit Lucie Lesourd, diplômée depuis un an de l’Institut national des sciences appliquées de Lyon.
« Certes, il faut agir du côté des jeunes filles, des familles et des enseignants, mais il ne faut pas oublier les garçons, analyse ainsi Catherine Marry, sociologue du travail et du genre et directrice de recherche au CNRS. Souvent ils ne se rendent pas compte que ces “plaisanteries” sont des façons subtiles d’écraser, de monopoliser l’espace et d’écarter les filles. Il faudrait réfléchir à évoquer ces sujets au sein même des cursus. »
A l’école CentraleSupélec, on travaille actuellement à sensibiliser davantage les étudiants aux inégalités de genre. « Nos futurs ingénieurs sont aussi des manageurs qui doivent apprendre à gérer des équipes diverses », explique Alexandrine Urbain, responsable de la communication et référente parité au sein de l’école. Ici la question des diversités et du vivre-ensemble devrait être intégrée aux enseignements à partir de la rentrée 2018.
Pendant que les écoles d’ingénieurs œuvrent à une meilleure intégration des jeunes femmes, Louise Giraudet, 29 ans, a décidé de s’attaquer directement à l’origine du problème. Et ce dès le collège. Cette ancienne ingénieure s’est reconvertie dans l’enseignement après avoir subi les découragements et le sexisme d’un univers essentiellement masculin. Aujourd’hui professeure de mathématiques, Louise Giraudet souhaite changer la donne pour la nouvelle génération. Elle incite les filles de sa classe de sixième à se tourner vers les sciences. Une mission qu’elle prend « très à cœur ». « Lorsqu’une de mes élèves se dit “nulle en maths” je la mets à côté d’une fille qui a de bons résultats pour l’encourager. J’essaie de déconstruire les stéréotypes le plus tôt possible et de refuser l’autocensure. »
Nouveau Vocabulaire
- cursus: courss/curriculum
- à l'instar de: like, in the manner of, following the example of
- c'est là que le bât blesse: there's the rub
- changer la donne: make a big difference
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